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La pêche aux idées

Lionel Cretegny
Lionel Cretegny créativité

Quand la créativité devient un vrai boulot
(et c'est tant mieux !)

Je l'avoue : j'ai ce fantasme de l'artiste inspiré, qui se réveille un matin avec une mélodie divine en tête ou une idée de roman qui va révolutionner la littérature. J'imagine une créativité qui jaillit sans effort, comme par magie, dans un élan de joie et de café matinal. Ma réalité est souvent un peu moins glamour...

Je me suis souvent retrouvé là, devant ma page blanche (ou mon écran vide), à me demander comment ces génies font. Quand je suis en panne d'idées, mon premier réflexe est souvent de me dire : "Bon, c'est pas grave, lisons quelque chose à ce sujet !" et je consomme du contenu sur le web (YouTube). Mais au fond, je sais que ce n'est pas la solution. Alors, j'ai creusé un peu, et ce que j'ai découvert a pas mal bousculé ma vision romantique de la créativité.

Les Idées, ces poissons insaisissables (ou pas)


David Lynch, que j'aime beaucoup, dit : les idées sont comme des poissons. Elles sont déjà là, dans l'océan de l'esprit, il suffit d'aller les pêcher.

J'essaye alors de choper des poissons, dans mon sommeil, par la méditation, dans le silence. En me disant que je vais bien m'amuser. 

Et bien, j'ai des idées, mais rien de renversant... Pas l'éclair de génie tant attendu.

Mais attention, le plus important n'est pas le poisson en lui-même, 

c'est ce que tu en fais ! Un poisson brut, ça ne nourrit personne. C'est le plat cuisiné qui fait la renommée du chef, pas le poisson qu'il a sorti de l'eau. Sacré David... (Voir son interview ici

Le Secret évident que je n'aime pas entendre :
les vertus du travail

Ca devient intéressant. Paul McCartney, par exemple, se réveille un matin avec une mélodie en tête. Un gros poisson, c'est sûr ! Il l'appelle "Scrambled Eggs" au début pour travailler avec ses comparses (Source). Mais ce n'est pas en restant au lit qu'il en a fait un tube planétaire. Il a fallu des mois de travail pour les paroles et les arrangements pour arriver à la chanson que nous connaissons: "Yesterday".

Mes illusions de créativité décontractée commencent à s'effriter. Je pensais que la créativité était une activité amusante, facile et libératrice. Mais en écoutant des gens comme Stephen King ou Christopher Nolan, j'ai l'impression d'entendre des travailleurs de bureau acharnés.



Stephen King, par exemple, a une routine de fer : Se lever à 6h, faire une promenade et écrire 6 pages tous les matins (ou 2000 mots selon les différents interviews) quoi qu'il arrive. Un roman de 300 pages en deux mois, c'est impressionnant ! Christopher Nolan ou Dan Brown, c'est pareil : une contrainte de travail à heure fixe chaque jour. (Désolé, je n'ai trouvé que des auteurs anglophones qui parlent de ça).

Alors, pourquoi cette discipline et cette approche ? Pourquoi ne pas créer et travailler à la plage sous un cocotier, 2 heures par semaine, comme nous le vendent les influenceurs nomades ? Pourquoi ne pas se laisser aller, en terrasse avec un Aperol Spritz hors de prix, à griffonner des oeuvres d'art sur la nappe ? Parce que, comme le dit si bien Stephen King :

"Amateurs sit and wait for inspiration. The rest of us just get up and go to work."

(Les amateurs attendent l'inspiration. Les reste d'entre nous se lèvent et vont travailler.)

Ha ben merde alors...

L'Idée n'est qu'une graine, le travail est le jardinier


J'ai mis du temps à comprendre que le problème n'est pas tant de trouver des idées, mais de savoir comment les trier et les faire grandir. Comment transformer ce petit poisson pêché en un plat gastronomique ? Il ne s'agit pas d'attendre au bord de l'eau qu'un poisson gros morde, mais de prendre celui qui passe et de l'élever.

Se mettre au bureau chaque jour, même sans inspiration apparente, déclenche un mécanisme incroyable dans notre cerveau. On passe de la rêverie à la résolution de problèmes. C'est là que la vraie créativité opère : faire grandir une idée avec les contraintes du moment. Pour les Dents de la mer, Steven Spielberg raconte que le requin mécanique ne fonctionnait pas sur le tournage. Il a dû composer avec cela et a créé la peur en suggérant le prédateur. Un chef d'oeuvre du genre.

Comme le dit David Lynch :

"What you realize is the idea is more than you realize."

Une idée, si on l'attrape, la cultive et la nourrit, devient quelque chose qui dépasse largement nos attentes initiales. Les idées sont des graines, et c'est le travail régulier qui les fait pousser (ou peut-être un peu de vin rouge).

Ma nouvelle routine beauté matinale (vue sur Youtube)


C'est là que des exercices comme ceux de Julia Cameron prennent tout leur sens (voir ici). Écrire trois pages chaque matin, quoi qu'il arrive, sans aucune instruction particulière, sans peur de faire "faux" nous force à faire avec les contraintes du jour. C'est un terrain fertile pour les idées embryonnaires qui foisonnent. Elles peuvent se développer, et notre cerveau travaille pour la résolution de problèmes et cesse de rêvasser.

En fin de compte, les idées ne valent rien en elles-mêmes. C'est leur mise en œuvre, par le travail acharné et régulier, qui les développe et leur donne toute leur valeur.

Alors, la prochaine fois que je me sentirai en panne d'idées, je ne retournerai pas sur YouTube. Je me mettrai au travail, je pêcherai un poisson, et je commencerai à le cuisiner.

Lionel Cretegny

Lionel Cretegny

Je suis un curieux invétéré. J’aime créer, expérimenter, comprendre.  
Entre impression 3D, astrophotographie et photographie argentique, je passe mon temps à explorer des univers très différents… mais qui ont tous en commun le plaisir de faire, d’apprendre et de s’émerveiller.  
Ici, je partage mes réussites, mes ratés et tout ce que j’apprends en chemin — parce que c’est souvent dans l’erreur qu’on trouve la plus belle idée.